Đ ĐŸĐ±Đ”Ń€Đ”Đ”ŃĐœĐŸŃ đŸ“šĐŸŃ€ĐŸ ĐœĐ”ĐłĐŸ я ужД пОсала, ĐŸĐœ ĐŒĐœĐ” ĐŸŃ‡Đ”ĐœŃŒ ĐœŃ€Đ°ĐČотся.Đ§Đ”ŃŃ‚ĐœŃ‹Đč, храбрыĐč.â €ĐĄĐ”ĐłĐŸĐŽĐœŃ слушала ĐžĐœŃ‚Đ”Ń€ĐČью с Le poĂšte prend clairement la parole en son nom dans ce poĂšme. La prĂ©sence de l'Ă©nonciateur est visible par l'utilisation de la premiĂšre personne du singulier, mais aussi par une interpellation au lecteur lorsqu'il Ă©crit « Écoutez ». - Robert Desnos Ă©voque son cas particulier : « ce coeur qui haĂŻssait la guerre » est le sien. Et RobertDesnos, dans le poĂšme « Ce cƓur qui haĂŻssait la guerre » publiĂ© clandestinement sous le pseudonyme de Pierre Andier en 1943, met en Ă©vidence les changements apportĂ©s par la guerre en confrontant le passĂ© et le prĂ©sent. Nous observons une alternance de ces deux temporalitĂ©s, visible dĂšs le premier vers (« Ce cƓur qui haĂŻssait la guerre voilĂ  qu’il bat ») LETEXTE DE DESNOS « Ce cƓur qui haĂŻssait la guerre » Ce cƓur qui haĂŻssait la guerre voilĂ  qu’il bat pour le combat et la bataille ! Ce cƓur qui ne battait qu’au rythme des marĂ©es, Ă  celui des saisons, Ă  celui des heures du Ce cƓur qui haĂŻssait la guerre » de Robert Desnos PrĂ©sentation: La poĂ©sie, Ce cƓur qui haĂŻssait la guerre, date de 1943. Son auteur, Robert Desnos, est souvent associĂ© Ă  la seconde guerre mondial de part son engagement Ă  la rĂ©sistance qu'il illustre dans des poĂšmes qu'il publie clandestinement. Vay Tiền Nhanh Chỉ Cáș§n Cmnd Nợ Xáș„u. 22 fĂ©vrier 1944 arrestation de Robert DesnosC’était un temps dĂ©raisonnable, oĂč il convenait d’arrĂȘter au petit matin et d’envoyer Ă  la mort tous ceux qui ne pensaient pas droit. Et Ă©crivaient de Desnos Ă©tait de ceux-lĂ . NĂ© Ă  l’aube du siĂšcle dans un Paris encore populaire, il ne frĂ©quente guĂšre que l’école de la rue. TrĂšs jeune, il dĂ©cide de dĂ©dier sa vie Ă  la poĂ©sie. Il n’a pas tout Ă  fait 17 ans que dĂ©jĂ , ses vers paraissent. Benjamin PĂ©ret l’introduit auprĂšs des surrĂ©alistes, qui l’accueillent avec l’enthousiasme qu’on devine. L’écriture sous hypnose des uns croisant avec bonheur la transcription des rĂȘves de l’ et un peu facilement, on le dĂ©crirait comme un touche-Ă -tout. Et on ajouterait de gĂ©nie » pour ne pas manquer Ă  la dĂ©fĂ©rence. Mais en ce temps-lĂ , Desnos l’était vraiment. Touche-Ă -tout, et gĂ©nial. Il s’essaie Ă  la chanson, au jazz, Ă©crit des vers libres, mais aussi des quatrains, et une drĂŽle de prose qu’on pourrait qualifier de spots publicitaires et radiophoniques !Au dĂ©tour des annĂ©es 30, il rompt avec Breton et continue seul dans un monde dont il devine dĂ©jĂ  les tourments Ă  venir. Le fascisme est aux portes de l’Europe. Il le voit venir et s’engage dans la lutte avec d’autres intellectuels. Le refus du SĂ©nat d’accorder de l’aide Ă  la RĂ©publique espagnole aura raison de son pacifisme. Il faut faire barrage au nazisme, il faut dĂ©fendre la patrie de l’humanisme, et de la libertĂ©. Plus rien ne le fera dĂ©serter ce combat. Ni la dĂ©faite, ni l’armĂ©e allemande occupant Paris. L’heure est au journalisme, Ă  prĂ©sent. Il Ă©crit dans Aujourd’hui, la publication d’Henri Jeanson, en jonglant mine de rien » avec la censure pour en retirer l'inestimable satisfaction d'emmerder Hitler ». En 42, il rejoint le rĂ©seau Agir. Tout en produisant des poĂšmes en argot, oĂč il repeint PĂ©tain en MarĂ©chal Ducono ! Autant d’appels Ă  l’éveil des consciences et Ă  la rĂ©sistance. Mais le rĂ©seau est infiltrĂ©. Et Desnos va ĂȘtre arrĂȘtĂ© le 22 fĂ©vrier. Partant de CompiĂšgne, il traverse Buchenwald, Flossenburg, et enfin Terezin. Jamais il ne cesse d’écrire. MalgrĂ© la fatigue, la vermine, le typhus. Les nazis s’enfuient, abandonnant le camp et les dĂ©portĂ©s, et c’est l’ArmĂ©e rouge qui libĂšre les survivants, le 8 mai 45. Un Ă©tudiant tchĂšque dĂ©couvre par hasard la prĂ©sence de Desnos parmi les occupants d’une paillasse. Trop tard, un mois plus tard, le 8 juin, le poĂšte meurt d’épuisement et de maladie, et son cƓur cesse de battre
 Ce cƓur dont il disait Pourtant ce cƓur haĂŻssait la guerre, et battait au rythme des saisons,Mais un seul mot LibertĂ© a suffi Ă  rĂ©veiller les vieilles colĂšres ! » Brigitte Blang Pour ĂȘtre informĂ© des derniers articles, inscrivez vous C'est encore une foule nombreuse qui a accompagnĂ© les anciens combattants pour cette commĂ©moration du 8 mai. Les enfants de l'Ă©cole Ă©lĂ©mentaire et les Ă©lus Ă©taient aussi prĂ©sents pour faire une belle lecture des textes officiels et des poĂšmes de Robert Desnos et Louis Aragon tous deux RĂ©sistants des premiĂšres heures contre l'Occupation allemande. Desnos sera d'ailleurs dĂ©portĂ©, connaĂźtra l'indicible pour le prix de notre LibertĂ© et mourra du typhus au moment de la libĂ©ration des camps de l'horreur, des camps d'extermination. La mort frappa au total 56 millions de personnes. Les combattants, certes, mais aussi les civils car n'importe qui pouvait ĂȘtre tuĂ© un bombardement, une rafle,quelques paroles imprudentes, des opinions politiques ou religieuses et aussi par hasard
 Alors, si la joie de la victoire fut grande la peine aussi. L'Homme y dĂ©couvrit son plus sombre visage, il ne faut jamais l'oublier et ce 8 mai 2014 St Julien s'est souvenu. Ce cƓur qui haĂŻssait la guerre
 » Ce cƓur qui haĂŻssait la guerre voilĂ  qu’il bat pour le combat et la bataille ! Ce cƓur qui ne battait qu’au rythme des marĂ©es, Ă  celui des saisons, Ă  celui des heures du jour et de la nuit, VoilĂ  qu’il se gonfle et qu’il envoie dans les veines un sang brĂ»lant de salpĂȘtre et de haine. Et qu’il mĂšne un tel bruit dans la cervelle que les oreilles en sifflent, Et qu’il n’est pas possible que ce bruit ne se rĂ©pande pas dans la ville et la campagne, Comme le son d’une cloche appelant Ă  l’émeute et au combat. Écoutez, je l’entends qui me revient renvoyĂ© par les Ă©chos. Mais non, c’est le bruit d’autres cƓurs, de millions d’autres cƓurs battant comme le mien Ă  travers la France. Ils battent au mĂȘme rythme pour la mĂȘme besogne tous ces cƓurs, Leur bruit est celui de la mer Ă  l’assaut des falaises Et tout ce sang porte dans des millions de cervelles un mĂȘme mot d’ordre RĂ©volte contre Hitler et mort Ă  ses partisans ! Pourtant ce cƓur haĂŻssait la guerre et battait au rythme des saisons, Mais un seul mot LibertĂ© a suffi Ă  rĂ©veiller les vieilles colĂšres Et des millions de Français se prĂ©parent dans l’ombre Ă  la besogne que l’aube proche leur imposera. Car ces cƓurs qui haĂŻssaient la guerre battaient pour la libertĂ© au rythme mĂȘme des saisons et des marĂ©es, du jour et de la nuit. Robert Desnos, 1943 paru dans L’Honneur des poĂštes Sujet du devoirJ'ai une lecture analytique Ă  prĂ©parer sur le poĂšme Ce cƓur qui haĂŻssait la guerre de Robert problĂ©matique - Qu’est-ce qui fait l’efficacitĂ© de ce poĂšme, en tant qu’appel Ă  la lutte pour la libertĂ© ?Le poĂšmeCe cƓur qui haĂŻssait la guerre voilĂ  qu’il bat pour le combat et la bataille !Ce cƓur qui ne battait plus qu’au rythme des marĂ©es, Ă  celui des saisons, Ă  celui des heures du jour et de la nuit,VoilĂ  qu’il se gonfle et qu’il envoie dans les veines un sang brĂ»lant de salpĂȘtre15 et de haineEt qu’il mĂšne un tel bruit dans la cervelle que les oreilles en sifflentEt qu’il n’est pas possible que ce bruit ne se rĂ©pande pas dans la ville et la campagneComme le son d’une cloche appelant Ă  l’émeute et au je l’entends qui me revient renvoyĂ© par les non, c’est le bruit d’autres cƓurs, de millions d’autres cƓurs battant comme le mien Ă  travers la battent au mĂȘme rythme pour la mĂȘme besogne tous ces cƓurs,Leur bruit est celui de la mer Ă  l’assaut des falaisesEt tout ce sang porte dans les millions de cervelles un mĂȘme mot d’ordre RĂ©volte contre Hitler et mort Ă  ses partisans !Pourtant ce cƓur haĂŻssait la guerre et battait au rythme des saisons,Mais un seul mot LibertĂ© a suffi Ă  rĂ©veiller de vieilles colĂšresEt des millions de Français se prĂ©parent dans l’ombre Ă  la besogne que l’aube proche leur ces cƓurs qui haĂŻssaient la guerre battaient pour la libertĂ© au rythme mĂȘme des saisons et des marĂ©es, du jour et de la j'en suis dans mon devoirJ'ai un plan dĂ©taillĂ© voir ci-dessous mais je ne suis pas sĂ»re de rĂ©pondre Ă  la problĂ©matique. Quels sont vos avis et si je suis hors sujet ce que je crains quels sont les points Ă  modifier?Merci!INTRODUCTION Robert Desnos a publiĂ© le poĂšme Ce cƓur qui haĂŻssait la guerre » dans un recueil collectif intitulĂ© L’honneur des poĂštes, paru clandestinement aux Éditions de Minuit le 14 juillet 1943. Il y invite le lecteur Ă  l’engagement dans la rĂ©sistance de la seconde guerre mondiale. Nous verrons en quoi ce poĂšme est un texte de poĂ©sie engagĂ© qui appel Ă  la lutte pour la libertĂ©, par le choix d’un lyrisme qui s’ouvre au collectif et par l’appel au combat qu’il fait Un lyrisme collectif 1. De l’individuel au collectifCe poĂšme est lyrique- l'auteur est Ă©nonciateur CEPENDANT 1re personne seulement versets 7 et 8 je », me », mien »ET ce cƓur » = le poĂšte synecdoque - expression des sentiments la haine », la colĂšre » = ponctuation points d’exclamationTOUTEFOIS- dimension collective avec sentiments de millions d’autres = ce cƓur » puis ces cƓurs ». 2. L’appel Ă  une collectivitĂ©- RĂ©sistants ne sont pas seuls et rejoints par des millions de coeurs» donc de personnes avec la mĂȘme volontĂ© d’opposition - rĂ©pĂ©titions avec passage du singulier au pluriel cervelle » v. 4 et 11 ; bruit » v. 4 qui devient bruit d’autres cƓurs » ; un sang » devient tout ce sang »Toutes ces rĂ©pĂ©titions mettent en avant l’union- Les vieilles colĂšres » = les nombreuses rĂ©bellions du peuple français contre l’oppression mĂ©moire collective le recueil paru 14 juillet - le cƓur organe vital, qui nous permet de vivre champ lexical physiologique veines », sang », cervelle », oreilles ».AVEC UNE dimension universelle en s’unissant au rythme des marĂ©es, Ă  celui des saisons, Ă  celui des heures du jour et de la nuit » APPEL UNIVERSEL ET VITALb. L’appel au combat1. La rĂ©solution des contradictionsDesnos perdu entre sa haine de la guerre et son dĂ©sir de lutte contre l’ l’imparfait de la vision du monde pacifiste Ce cƓur qui haĂŻssait la guerre », battait au rythme des saisons »... ≠ le prĂ©sent du combat introduit par voilĂ  que »- le champ lexical de la nature marĂ©es, saisons, jour, nuit » ≠ la haine et de la violence sang », salpĂȘtre », haine », mort... ». Contradiction se rĂ©sout avec LibertĂ© », mis en valeur par la majuscule,2. L’appel au lecteurAu verset 7, Desnos s'adresse directement au lecteur Ă  l’impĂ©ratif Écoutez » Mais il ne suffit pas d’écouter et d’autres termes sont des appels Ă  l’engagement actif, comme rĂ©veiller », se prĂ©parent » et besogne » rĂ©pĂ©tĂ© deux fois.Ils ont un devoir a accomplir !Les valeurs pour lesquelles il faut lutter sont scandĂ©es comme un mot d’ordre » RĂ©volte contre Hitler et mort Ă  ses partisans ! », LibertĂ© ».3. Des raisons d’espĂ©rerla lutte n’est pas vaine= la communion de tout un jeu des temps, = l’avenir verset 15 imposera ».- connotations opposĂ©es de l’ombre » et de l’aube » cette ombre symbolise les tĂ©nĂšbres de l’oppression nazie, mais elle laissera forcĂ©ment place Ă  la lumiĂšre de l’aube proche », garante d’ ce poĂšme Desnos utilise toutes les caractĂ©ristiques du poĂšme engagĂ© et appel la France au combat. NĂ©anmoins il ne renie pas ses valeurs pacifiques et en utilisant le lyrisme il s’allie Ă  la nombreux poĂštes qui se sont exprimĂ©s souvent clandestinement pendant l’Occupation ont contribuĂ© par leurs paroles et la beautĂ© de leur poĂ©sie, Ă  apporter un rĂ©confort Ă  leurs lecteurs, mais ont aussi participĂ© Ă  la lutte en suscitant l’union des Français pour la libertĂ© et leur rĂ©volte contre l’oppression nazie. Ce cƓur qui haĂŻssait la guerre Ce cƓur qui haĂŻssait la guerre voilĂ  qu'il bat pour le combat et la bataille ! Ce cƓur qui ne battait qu'au rythme des marĂ©es, Ă  celui des saisons, Ă  celui des heures du jour et de la nuit, VoilĂ  qu'il se gonfle et qu'il envoie dans les veines un sang brĂ»lant de salpĂȘtre et de haine. Et qu'il mĂšne un tel bruit dans la cervelle que les oreilles en sifflent Et qu'il n'est pas possible que ce bruit ne se rĂ©pande pas dans la ville et la campagne Comme le son d'une cloche appelant Ă  l'Ă©meute et au combat. Écoutez, je l'entends qui me revient renvoyĂ© par les non, c'est le bruit d'autres cƓurs, de millions d'autres cƓurs battant comme le mien Ă  travers la France. Ils battent au mĂȘme rythme pour la mĂȘme besogne tous ces coeurs, Leur bruit est celui de la mer Ă  l'assaut des falaises Et tout ce sang porte dans des millions de cervelles un mĂȘme mot d'ordre RĂ©volte contre Hitler et mort Ă  ses partisans ! Pourtant ce cƓur haĂŻssait la guerre et battait au rythme des saisons, Mais un seul mot libertĂ© a suffi Ă  rĂ©veiller les vieilles colĂšres Et des millions de Français se prĂ©parent dans l'ombre Ă  la besogne que l'aube proche leur imposera. Car ces coeurs qui haĂŻssaient la guerre battaient pour la libertĂ© au rythme mĂȘme des saisons et des marĂ©es, du jour et de la nuit. traduction en espagnolespagnol Este corazĂłn que odiaba a la guerra Este corazĂłn que odiaba a la guerra de pronto late por la lucha y la batalla ! Este corazĂłn que solo latĂ­a al ritmo de las mareas, al de las estaciones, al de las oras del dĂ­a y de la noche, De pronto se hincha y envĂ­a en las venas una sangre ardiendo de salitre y de odio. Y hace un ruido tan fuerte en la cabeza que los oĂ­dos pitan Y no es posible que eso ruido no se propague en la ciudad y en el campo Como el sonido de una campana instando al motĂ­n y a la pelea. ÂĄEscuchen! Lo oigo volver reenviado por los ecos.ÂĄQue no! Es el ruido de otros corazones, de millones de otros corazones latiendo como el mio a travĂ©s Francia. Laten al mismo ritmo por la misma tarea todos esos corazones, Su ruido es lo del mar al asalto del risco Y toda esta sangre lleva a millones de cerebros una misma lema ÂĄRevuelta contra Hitler y muerte a sus seguidores! Sin embargo este corazĂłn odiaba a la guerra y latĂ­a al ritmo de las estaciones, Pero una sola palabra Libertad bastĂł para despertar las viejas iras Y millones de Franceses se preparan en la sombra por la tarea que les impondrĂĄ el alba cercana. Porque esos corazones que odiaban a la guerra latĂ­an por la libertad al mismo ritmo de las estaciones y de las mareas, del dĂ­a y de la noche. PubliĂ© par InvitĂ©e Lun, 22/01/2018 - 2051 L’auteure de cette traduction a demandĂ© une relecture. Cela signifie qu’il ou elle sera ravie de recevoir des remarques, corrections, suggestions, etc. Si vous avez des notions dans ces deux langues, n’hĂ©sitez pas Ă  ajouter un commentaire. Je viens de terminer la biographie de Robert Desnos par Anne Egger Fayard, 1 166 p., 42 € Biographie Ă  l’amĂ©ricaine 1 166 pages. Il n’ y manque aucun dĂ©tail. J’apprĂ©cie la minutie du travail, le soin apportĂ© Ă  l’étude des sources, la somme des tĂ©moignages rĂ©unis. Il manque peut-ĂȘtre une rĂ©flexion synthĂ©tique qui nous aurait permis de saisir plus profondĂ©ment la personnalitĂ© complexe du poĂšte. On ne peut qu’admirer la trajectoire de ce magnifique crĂ©ateur qui a marquĂ© l’entre-deux-guerres. Il est au centre des expĂ©riences surrĂ©alistes en 1922 avec les sommeils hypnotiques», mais ce n’est pas une lubie pour lui. Il s’intĂ©ressera aussi aux rĂȘves des auditeurs Ă  la radio, et mĂȘme Ă  ceux de ses compagnons d’infortune en camp de concentration. C’est un amoureux de Paris comme Baudelaire, Apollinaire ou Nerval. Robert Desnos a exercĂ© toutes sortes de mĂ©tiers commis dans une droguerie, gĂ©rant d’immeubles, secrĂ©taire d’un Ă©crivain, dessinateur, scĂ©nariste, auteur de chansons, de rĂ©clames radiophoniques, et surtout journaliste pour la presse et pour la radio. Il n’a pas fait d’études supĂ©rieures puisqu’il acquittĂ© l’école Turgot dĂšs 16 ans 1916. Il s’est pourtant forgĂ© en autodidacte une grande culture littĂ©rature, théùtre, cinĂ©ma, musique classique ou populaire, aviation, sciences. Il devient l’ami de personnalitĂ©s trĂšs diverses Henri Jeanson, Armand Salacrou, Paul Deharme, Jean-Louis Barrault, ThĂ©odore Fraenkel son lĂ©gataire universel, Paul Éluard, Jacques PrĂ©vert, AndrĂ© Masson, Georges Malkine, Darius Milhaud, Arthur Honegger, Ernest Hemingway, John Dos Passos, Federico GarcĂ­a Lorca, Pablo Neruda, Alejo Carpentier, Miguel Ángel Asturias. Il refuse tout embrigadement “Je me refuse Ă  accepter des mots d’ordre”, dit-il en 1929. Il reste comme rĂ©dacteur littĂ©raire au journal Aujourd’hui, crĂ©e par Henri Jeanson en 1940, mĂȘme quand le collaborateur Georges Suarez en prend la direction. Cela lui permet de transmettre des informations prĂ©cieuses au rĂ©seau Agir dont il fera partie dĂšs 1942. Il aide Ă  la confection de fausses piĂšces d’identitĂ©. Il publie ses poĂšmes dans les revues clandestines PoĂ©sie 42, L’honneur des poĂštes, Confluences, PoĂ©sie 44 entre autres Il aide ses amis en difficultĂ©. Il rĂ©ussit ainsi Ă  faire hospitaliser Antonin Artaud Ă  Rodez, alors qu’il se mourait Ă  l’asile de Ville-Evrard. Il hĂ©berge le jeune Alain Brieux qui veut Ă©chapper au STO. ArrĂȘtĂ© le 22 fĂ©vrier 1944, il meurt au camp de Terezin, en TchĂ©coslovaquie le 8 juin 1945. “Ce qui importe ce n’est pas ce qui reste, c’est ce qu’on est” Robert Desnos. Robert Desnos FĂ©lix Labisse 1943. On peut Ă©couter Les Nuits de France Culture par Mathieu BĂ©nĂ©zet, programme diffusĂ© le 07/09/2007 1h16. ou La ProphĂ©tie de Robert Desnos France Inter par StĂ©phanie Duncan 54â€Č . Feu sur les collabos PĂ©tain et Laval! MarĂ©chal Ducono Robert Desnos MarĂ©chal Ducono se page avec mĂ©fiance,Il rĂȘve Ă  la rebiffe et il crie au charronCar il se sent dĂ©jĂ  loquedu et marronPour avoir arnaquĂ© le populo de France. S’il peut en Ă©craser, s’étant rempli la panse,En tant que marĂ©chal Ă  maousse ration,Peut-il ĂȘtre Ă  la bonne, ayant dans le croupionLe pronostic des fumerons perdant patience ? À la pĂ©ter les vieux et les mignards calenchent,Les durs bossent Ă  cran et se brossent le mancheMarĂ©chal Ducono continue Ă  pioncer. C’est tarte, je t’écoute, Ă  quatre-vingt-six berges,De se savoir vomi comme fiotte et faux dergeMais tant pis pour son fade, il aurait dĂ» clamser. Messages, n°11, 1944. Á la caille. Messages n°11, 1944. Petrus d’Aubervilliers Robert Desnos Parce qu’il est bourrĂ© d’aubert et de bectanseL’auverpin mal lavĂ©, le baveux des pourrisCroit-il encor farcir ses boudins par trop rancesAvec le sang des gars qu’on fusille Ă  Paris ? Pas vu ? Pas pris ! Mais il est vu, donc il est frit,Le premier bec de gaz servira de prĂ©ventive, sans curieux et sans juryAu demi-sel qui nous a fait payer la danse. Si sa cravate est blanche elle sera de ait des roustons noirs ou bien qu’il se les morde,Il lui faudra fourguer son blaze au grand pĂ©gal. Il en bouffe, il en croque, il nous vend, il nous donneEt, Ă  la Kleberstrasse, il attend qu’on le sonneMais nous le sonnerons, nous, sans code pĂ©nal. À la caille. Messages n°11, 1944. Ce coeur qui haĂŻssait la guerre Robert Desnos Ce coeur qui haĂŻssait la guerre voilĂ  qu’il bat pour le combat et la bataille !Ce coeur qui ne battait qu’au rythme des marĂ©es, Ă  celui des saisons, Ă  celui des heures du jour et de la nuit,VoilĂ  qu’il se gonfle et qu’il envoie dans les veines un sang brĂ»lant de salpĂȘtre et de qu’il mĂšne un tel bruit dans la cervelle que les oreilles en sifflentEt qu’il n’est pas possible que ce bruit ne se rĂ©pande pas dans la ville et la campagneComme le son d’une cloche appelant Ă  l’émeute et au je l’entends qui me revient renvoyĂ© par les non, c’est le bruit d’autres coeurs, de millions d’autres coeurs battant comme le mien Ă  travers la battent au mĂȘme rythme pour la mĂȘme besogne tous ces coeurs,Leur bruit est celui de la mer Ă  l’assaut des falaisesEt tout ce sang porte dans des millions de cervelles un mĂȘme mot d’ordre RĂ©volte contre Hitler et mort Ă  ses partisans !Pourtant ce coeur haĂŻssait la guerre et battait au rythme des saisons,Mais un seul mot LibertĂ© a suffi Ă  rĂ©veiller les vieilles colĂšresEt des millions de Francais se prĂ©parent dans l’ombre Ă  la besogne que l’aube proche leur ces coeurs qui haĂŻssaient la guerre battaient pour la libertĂ© au rythme mĂȘme des saisons et des marĂ©es, du jour et de la nuit. PoĂšme signĂ© Pierre Andier, choisi dans l’oeuvre de Desnos pour figurer au mĂ©morial des Martyrs de la dĂ©portation dans l’üle de la CitĂ©. L’Honneur des poĂštes, 14 juillet 1943. Anthologie de la rĂ©sistance prĂ©parĂ©e par Paul Éluard et Pierre Seghers. Ă©ditions de Minuit. Repris dans DestinĂ©e arbitraire, Paris, Gallimard, 1975. Portrait de Robert Desnos Ă  la maison d’arrĂȘt de Fresnes oĂč il fut incacĂ©rĂ© le 23 fĂ©vrier 1944 C215 – Christian Guemy Robert Desnos entend pour la premiĂšre fois la chanteuse belge Yvonne George de son vrai nom Yvonne Deknop un soir d’ octobre 1924 chez Fisher 21 rue d’Antin, un club parisien huppĂ© . ThĂ©odore Fraenkel, Biographie de Robert Desnos. Critique n°3-4, aoĂ»t-septembre 1946. Desnos dont l’amour a orientĂ© toute la vie, eut incroyablement peu d’aventures fĂ©minines. Il fut aimĂ©, il fut mĂȘme fiancĂ© quelques mois. Mais l’amour de Desnos pour Yvonne George, puis pour Youki, est de ceux qui entreront dans la lĂ©gende. Á cause, sans doute, de tous les poĂšmes qui en sont embrasĂ©s, mais aussi Ă  cause de ce que fut cet amour dans la rĂ©alitĂ©. Desnos avait environ vingt-cinq ans, lorsqu’il connut Yvonne George ; la merveilleuse chanteuse rĂ©aliste se faisait alors entendre Ă  l’Olympia ; on trouve encore les disques de quelques-unes de ses chansons, qui nous Ă©mouvaient alors Valparaiso, Les Cloches de Nantes, Pars
Elle habitait gĂ©nĂ©ralement Ă  Neuilly un rez-de-chaussĂ©e au fond d’un jardin ; une dĂ©coration recherchĂ©e voisinait sans gĂȘne aucune avec un abandon fatiguĂ©. Elle y recevait des gens du monde, des gens de lettres. L’amour de Desnos pour elle fut violent, douloureux inlassablement attentif. Il ne fut jamais partagĂ©. Pendant une dizaine d’annĂ©es, il ne vĂ©cut que pour elle, lui rendant des services pĂ©rilleux. Il en fut ainsi presque jusqu’à la mort d’Yvonne George, survenue dans un sanatorium. C’est Ă  elle que se rapporte la dĂ©dicace anonyme de La LibertĂ© ou l’Amour. » Les poĂšmes Á la mystĂ©rieuse sont publiĂ©s dans La RĂ©volution surrĂ©aliste n° 7. 15 juin 1926 et repris dans Corps et biens en1930. Ces sept poĂšmes ont un thĂšme unique l’amour malheureux. Antonin Artaud Ă©crit Ă  Jean Paulhan Je sors bouleversĂ© d’une lecture des derniers poĂšmes de Desnos. Les poĂšmes d’amour sont ce que j’ai entendu de plus entiĂšrement Ă©mouvant, de plus dĂ©cisif en ce genre depuis des annĂ©es et des annĂ©es. Pas une Ăąme qui ne se sente touchĂ©e jusque dans ses cordes les plus profondes, pas un esprit qui ne se sente Ă©mu et exaltĂ© et ne se sente confrontĂ© avec lui-mĂȘme. Ce sentiment d’un amour impossible creuse le monde dans ses fondements et le force Ă  sortir de lui-mĂȘme, et on dirait qu’il lui donne la vie. Cette douleur d’un dĂ©sir insatisfait ramasse toute l’idĂ©e de l’amour avec ses limites et ses fibres, et la confronte avec l’absolu de l’Espace et du Temps, et de telle maniĂšre que l’ĂȘtre entier s’y sente dĂ©fini et intĂ©ressĂ©. C’est aussi beau que ce que vous pouvez connaĂźtre de plus beau dans le genre, Baudelaire ou Ronsard. Et il n’est pas jusqu’à un besoin d’abstraction qui ne se sente satisfait par ces poĂšmes oĂč la vie de tous les jours, oĂč n’importe quel dĂ©tail de la vie journaliĂšre prend de l’espace, et une solennitĂ© inconnue. Et il lui a fallu deux ans de piĂ©tinements et de silence pour en arriver tout de mĂȘme Ă  cela.» 17 avril 1926 Robert Desnos ne suit pas les surrĂ©alistes qui adhĂšrent au Parti Communiste Français en 1927. Il publie La LibertĂ© ou l’amour! Éditions du Sagittaire qui se rĂ©fĂšre davantage Ă  la rĂ©volution française qu’à la rĂ©volution russe. En exergue Á la rĂ©volution, Á l’amour, Á celle qui les incarne ». Le rĂ©cit tourne autour de Corsaire Sanglot, transposition de l’auteur, et de Louise Lame, son amante, femme fatale. Le 5 mai 1928, l’éditeur est condamnĂ© Ă  supprimer certains passages Ă©rotiques ou anticlĂ©ricaux. Dans les 24 poĂšmes des TĂ©nĂšbres datĂ©s dans Corps et biens de 1927, Desnos poursuit l’évocation de la mystĂ©rieuse». Le poĂšme Infinitif contient, en acrostiche, au dĂ©but et Ă  la fin des douze vers du poĂšme les noms d’Yvonne George et de Robert Desnos. Journal d’une apparition 1 octobre 1927 – la fin fĂ©vrier est publiĂ© dans La RĂ©volution surrĂ©aliste n°9-10. 1 octobre 1927. Desnos y consigne les visites nocturnes que lui rend celle qu’il reconnaĂźt et qu’il dĂ©signe ainsi ***. Le 22 avril 1930, Desnos reçoit ce tĂ©lĂ©gramme de GĂȘnes Yvonne morte pendant la nuit. » Elle est incinĂ©rĂ©e Ă  Paris le 26 avril au crĂ©matorium du PĂšre-Lachaise. Desnos note dans son agenda Ă  la date du 26 avril ” On a brĂ»lĂ© Yvonne cet aprĂšs-midi 4h3/4 -6h1/4.”Elle avait 35 ans. Yvonne George Man Ray. Vers 1927. Nous irons Ă  Valparaiso. 3 dĂ©cembre 1926. Les Cloches de Nantes. 10 juin 1928. À la MystĂ©rieuse l926 J’ai tant rĂȘvĂ© de toi J’ai tant rĂȘvĂ© de toi que tu perds ta encore temps d’atteindre ce corps vivant et de baiser sur cette bouche la naissance de la voix qui m’est chĂšre ?J’ai tant rĂȘvĂ© de toi que mes bras habituĂ©s, en Ă©treignant ton ombre, Ă  se croiser sur ma poitrine ne se plieraient pas au contour de ton corps, que, devant l’apparence rĂ©elle de ce qui me hante et me gouverne depuis des jours et des annĂ©es, je deviendrais une ombre sans balances tant rĂȘvĂ© de toi qu’il n’est plus temps sans doute que je m’éveille. Je dors debout, le corps exposĂ© Ă  toutes les apparences de la vie et de l’amour et toi, la seule qui compte aujourd’hui pour moi, je pourrais moins toucher ton front et tes lĂšvres que les premiĂšres lĂšvres et le premier front tant rĂȘvĂ© de toi, tant marchĂ©, parlĂ©, couchĂ© avec ton fantĂŽme qu’il ne me reste plus peut-ĂȘtre, et pourtant, qu’à ĂȘtre fantĂŽme parmi les fantĂŽmes et plus ombre cent fois que l’ombre qui se promĂšne et se promĂšnera allĂšgrement sur le cadran solaire de ta vie. Corps et biens, 1930. NRF/Gallimard. Les TĂ©nĂšbres 1927 II. Infinitif Y mourir ĂŽ belle flammĂšche y mourirvoir les nuages fondre comme la neige et l’échoorigines du soleil et du blanc pauvres comme Jobne pas mourir encore et voir durer l’ombrenaĂźtre avec le feu et ne pas mourirĂ©treindre et embrasser amour fugace le ciel matgagner les hauteurs abandonner le bordet qui sait dĂ©couvrir ce que j’aimeomettre de transmettre mon nom aux annĂ©esrire aux heures orageuses dormir au pied d’un pingrĂące aux Ă©toiles semblables Ă  un numĂ©roet mourir ce que j’aime au bord des flammes. Corps et biens, 1930. NRF/Gallimard. Le Monde, 14 aoĂ»t 1998. Robert Desnos et la place de l’Étoile Pierre Philippe. Alejo Carpentier De 1928 Ă  1939, l’écrivain cubain Alejo Carpentier vit en France et Robert Desnos est un de ses meilleurs amis. Le 21 fĂ©vrier 1928, Robert Desnos part Ă  Cuba. Il a rĂ©ussi Ă  se faire engager comme reprĂ©sentant de La RazĂłn, un journal argentin, au CongrĂšs de la presse latine, qui se tient Ă  La Havane. Il arrive le 6 mars et rencontre Miguel Ángel Asturias, Corpus Barga entre autres. Il se rend compte de l’énergie incroyable que dĂ©gage cette ville. Lors de son sĂ©jour du 5 au 16 mars 1928, il dĂ©couvre la musique cubaine, les “sons”, la rumba et frĂ©quente les jeunes rĂ©volutionnaires cubains qu’il fera connaĂźtre en France Ă  son retour. Le 16 mars 1928, Il ramĂšne clandestinement avec lui, sur le paquebot Espagne, Alejo Carpentier qui fuit la dictature du gĂ©nĂ©ral Gerardo Machado. Le futur romancier du SiĂšcle des LumiĂšres avait Ă©tĂ© incarcĂ©rĂ© pendant sept mois pour avoir signĂ© el Manifiesto Minorista, publiĂ© le 6 mai 1927, et se trouvait en libertĂ© conditionnelle. Á Paris, ils travailleront ensemble dans les annĂ©es 30 pour la radio et se verront presque tous les jours. Paul Deharme 1898-1934 fonde en 1932 et dirige les studios Foniric, un service de production radiophonique, qui fournit notamment Ă  Radio-Paris et Radio Luxembourg des campagnes publicitaires et des programmes de radio trĂšs Ă©laborĂ©s, sponsorisĂ©s par des marques. Il organise un laboratoire de recherche au sein de Foniric et fait appel Ă  des artistes divers Robert Desnos, Armand Salacrou, Jacques PrĂ©vert, LĂ©on-Paul Fargue Alejo Carpentier, Antonin Artaud, Kurt Weill. Foniric comme son nom l’indique associe le phonique et l’onirique, le son et le rĂȘve. C’est l’idĂ©e que se fait Deharme de la TSF faire rĂȘver l’auditeur. Le 3 novembre 1933, Radio-Paris Ă  20h15, Radio-Luxembourg et cinq postes rĂ©gionaux Ă  21 heures, diffusent La Grande Complainte de FantĂŽmas, suite dramatique en douze tableaux de Robert Desnos sur une mĂ©lodie de Kurt Weill, direction dramatique d’Antonin Artaud, direction musicale d’Alejo Carpentier. Il s’agit de faire de la publicitĂ© pour Si c’était FantĂŽmas ?, un grand roman d’aventures inĂ©dites de Marcel Allain, publiĂ© en feuilleton Ă  partir du 3 novembre dans Le Petit Journal. Alejo Carpentier publie rĂ©guliĂšrement dans son pays des articles sur l’Europe dans le Diario de la Marina et dans des revues comme La gaceta musical, Social ou Carteles. Le 19 mai 1939, il quitte l’Europe depuis Rotterdam. Il s’installera Ă  Caracas jusqu’à la rĂ©volution cubaine 1959 AprĂšs la mort du typhus du poĂšte rĂ©sistant Ă  TerezĂ­n le 8 juin 1945, le romancier cubain a souvent rappelĂ© la mĂ©moire de son ami. Autoportrait Robert Desnos. Le Monde, 26/01/1979 Portrait de Robert Desnos Alejo Carpentier Lorsqu’il m’arrive d’évoquer le groupe d’écrivains, de peintres, de musiciens qui s’assemblaient chaque fin d’aprĂšs-midi autour d’une trĂšs longue table – toujours la mĂȘme – au cafĂ© des Deux Magots, j’en demeure tout Ă©bloui. De 1930 Ă  1934, on pouvait rencontrer lĂ , liĂ©s par une amitiĂ© inĂ©branlable qui valait bien mieux qu’un ” esprit d’école “, des hommes tels que Roger Vitrac, Michel Leiris, Georges Bataille, Georges Ribemont-Dessaignes, Pierre et Jacques PrĂ©vert, Antonin Artaud – aussi fidĂšle au rendez-vous que les autres, – Raymond Queneau, AndrĂ© Masson, Balthus, Robert Desnos. CĂŽtĂ© musique Edgar VarĂšse et son jeune disciple AndrĂ© Jolivet. CĂŽtĂ© cinĂ©ma-théùtre Jean-Louis Barrault, Etienne Decroux, Gaston Modot, Sylvia Bataille, Luis Bunuel. Comme visiteurs occasionnels LĂ©on-Paul Fargue et Saint-ExupĂ©ry, toujours bien accueillis. Et, Ă  une table attenante Ă  la nĂŽtre, l’équipe du Grand Jeu RenĂ© Daumal, Gilbert-Lecomte, le peintre Sima
S’il n’y eut jamais parmi nous un ” esprit d’école “, il y rĂ©gnait, par contre, un ” esprit de gĂ©nĂ©ration “, nourri des mĂȘmes ferveurs, marquĂ© par les mĂȘmes antipathies, qui transformait tout naturellement les initiatives particuliĂšres en un travail collectif, et cela uniquement pour des raisons d’ñge, de fidĂ©litĂ© Ă  certaines idĂ©es, Ă  certaines prises de position vis-Ă -vis des Ă©vĂ©nements de l’époque. Tous, nous collaborions aux revues Bifur, Documents, Iman – dont j’assurais la publication Ă  Paris, en langue espagnole. D’autre part, des projets qui exigeaient un travail d’équipe sortaient de nos rĂ©unions quotidiennes un opĂ©ra pour VarĂšse, dont j’écrivis le livret avec Artaud, Desnos et Ribemont ; un Pantoum des pantoums, sorte de mystĂšre lyrique, conçu par Gilbert-Lecomte sur des poĂšmes de RenĂ© Ghil, dont la participation orchestrale devait ĂȘtre de Ribemont-Dessaignes et de moi-mĂȘme. Enfin l’esprit de notre groupe se manifesta encore lors des reprĂ©sentations de Numance, montĂ© par Jean-Louis Barrault en 1937, grĂące au soutien financier de Desnos, avec des dĂ©cors et des costumes d’AndrĂ© Masson, sur une musique que j’avais Ă©crite. Et quand Desnos fit son entrĂ©e Ă  la radio, grĂące au remarquable pionnier des mass media que fut Paul Deharme, il y entraĂźna aussitĂŽt ses amis. Ce qui nous valut, trĂšs vite, des rĂ©alisations telles que La Grande Complainte de FantĂŽmas Artaud-Desnos-Kurt Weill dont j’assurai la mise en ondes ; Salut au monde, inspirĂ© de Walt Whitman Desnos, Jean-Louis Barrault ; Histoire de baleines Desnos-PrĂ©vert, etc. 1. Plusieurs Robert Desnos en Robert DesnosIl est extrĂȘmement difficile de fixer des souvenirs, lorsqu’on parle de Robert Desnos, car sa personnalitĂ© prĂ©sentait des cĂŽtĂ©s si divers, si contradictoires en apparence, que tout effort d’assemblage, par les moyens de la mĂ©moire, ne nous donne jamais qu’une image fuyante qui est plutĂŽt le reflet d’un curieux caractĂšre que la rĂ©alitĂ© profonde d’un homme qui mena une expĂ©rience poĂ©tique Ă  ses possibilitĂ©s extrĂȘmes. Car il y avait plusieurs Robert Desnos en Robert Desnos, tous tellement nĂ©cessaires Ă  ses raisons d’exister que seule une somme, Ă  peu prĂšs impossible Ă  Ă©tablir, Ă©tant donnĂ©e sa complexitĂ©, nous donnerait un portrait vĂ©ridique de celui qui, pourtant, Ă©tait notre camarade de tous les jours. TrĂšs secret, souvent distant, souvent repliĂ© sur son monde intĂ©rieur, sur la constante disponibilitĂ© crĂ©atrice de son gĂ©nie, il sortait tout Ă  coup de ses longs silences, passant brusquement Ă  une sorte d’éclatement de lui-mĂȘme qui se traduisait en de fulgurants monologues, rythmĂ©s, scandĂ©s, qu’il pouvait dĂ©clamer Ă  tue-tĂȘte, en marchant au long d’une rue, surtout la nuit. Et quand il revenait de cette sorte de dĂ©lire lucide, on retrouvait le charme d’un ami gouailleur, insouciant, portĂ© Ă  la blague, Ă  la mystification, Ă  la ” mise en boĂźte ” de n’importe qui, sachant jongler avec les mots d’une façon dĂ©routante. Il avait le sens de l’éloge qui pouvait vous ĂȘtre le plus encourageant, comme il avait le gĂ©nie de l’engueulade efficace, du scandale Ă  froid, de la phrase terrible qui allait droit au d’avoir grandi dans le quartier de Saint-Merri, il empruntait volontiers un parler populaire, faubourien, qui contrastait curieusement avec ses habitudes de correction vestimentaire – correction poussĂ©e jusqu’au souci de porter des costumes du meilleur style ” deuil en vingt-quatre heures “, chaque fois qu’il avait Ă  dĂ©plorer la mort d’un parent. Anarchiste en apparence, il Ă©tait nĂ©anmoins d’une rigiditĂ© Ă  toute Ă©preuve en ce qui concernait certains engagements idĂ©ologiques ou politiques qu’il tenait pour nĂ©cessaires ; appartenant Ă  la gĂ©nĂ©ration de ceux qui criaient ” Famille, je vous hais ! “, il adorait son pĂšre, mandataire aux Halles, et jamais il ne manquait le dĂ©jeuner familial du dimanche ; auteur de La LibertĂ© ou l’Amour !, il fut d’une incroyable fidĂ©litĂ© aux femmes qu’il aima ; dĂ©sordonnĂ© et fantasque durant les heures de la nuit, il s’imposait, de jour, une discipline ponctuelle et presque tatillonne aux studios de la rue Bayard, oĂč nous avons travaillĂ© ensemble pendant six annĂ©es de 1933 Ă  1939. Le monde hispaniqueMais, parmi les aspects les moins connus de Robert Desnos, il y en a un qu’ignorent de nombreux Ă©crivains qui se sont penchĂ©s sur sa vie et sur son Ɠuvre ses relations avec le monde hispanique, et surtout latino-amĂ©ricain, Ă  la suite de l’étonnant voyage qu’il fit Ă  Cuba en 1928, au cours duquel il me dĂ©tourna du projet de m’établir au Mexique – car l’atmosphĂšre politique de La Havane m’était devenue irrespirable – pour m’amener Ă  Paris, oĂč je devais rester onze ans. A partir de ce moment sa maison fut, en quelque sorte, un foyer permanent d’activitĂ©s ayant un rapport avec les Ă©vĂ©nements de l’AmĂ©rique latine et de l’Espagne on y conspira contre le dictateur Machado ; on y rĂ©digea des tracts et des manifestes ; on y vit dĂ©filer, selon les Ă©poques et les jours, Cesar Vallejo, Miguel Angel Asturias, Nicolas Guillen, Cardoza y Aragon, Neruda, Arturo Uslar Pietri, le compositeur Silvestre Revueltas, avec qui il commença Ă  Ă©crire une cantate en Ă©loge de la nationalisation des pĂ©troles mexicains. Il fit les esquisses d’un livret d’opĂ©rette, L’Etoile de La Havane, pour le compositeur cubain Eliseo Grenet
 Puis, aprĂšs deux voyages en Espagne, ce fut – on l’ignore trop – son amitiĂ© avec Federico Garcia Lorca. Et lorsque le poĂšte de Noces de sang fut abattu par les fascistes et que la guerre civile se dĂ©chaĂźna, il y eut chez lui des rĂ©unions presque quotidiennes d’hommes tels que JosĂ© Bergamin, Rafael Alberti, Joan Miro, Miguel Hernandez – qui devait mourir dans les geĂŽles de Franco – et de tant d’autres qui se trouvent encore parmi nous, toujours fidĂšles Ă  leurs idĂ©es d’alors. Robert Desnos, poĂšte essentiellement français, par l’Ɠuvre et par le caractĂšre, fut nĂ©anmoins un des esprits les plus universels d’entre les deux guerres. Puisse-t-il servir d’exemple Ă  certains de nos contemporains trop souvent limitĂ©s, en leurs vues du monde, par leur incapacitĂ© de regarder au-delĂ  des frontiĂšres factices qu’ils se sont inutilement créées !
 Robert Ă©tait un poĂšte aimĂ© de tous, par le fait mĂȘme que, en vĂ©ritable homme de son temps, sans cesser pour cela d’ĂȘtre fonciĂšrement français, il se sentait espagnol Ă  Madrid, cubain Ă  La Havane, pĂ©ruvien avec Vallejo – discutant mĂȘme, en toute connaissance de causes, des faiblesses et des bĂ©vues de l’ american way of life avec son ami Hemingway, qui, bien des annĂ©es plus tard, en 1945, me parlait avec admiration de l’auteur de Corps et Biens ” Je suis certain qu’il est dans la rĂ©sistance “, me disait-il
 alors que nous ignorions, tous deux, qu’il venait de mourir des suites de sa captivitĂ© dans un camp de concentration allemand. 1 RĂ©alisations malheureusement perdues, car elles Ă©taient enregistrĂ©es avec les moyens de l’époque, sur disques d’une vie limitĂ©e Ă  quelques mois, dont l’enduit cellulosique se dĂ©tachait au bout d’un certain nombre d’auditions. Robert Desnos Man Ray vers 1925. Sources 1 Chronologie Federico GarcĂ­a Lorca Oeuvres complĂštes I, BibliothĂšque de La PlĂ©iade, NRF Gallimard, 1981. Édition Ă©tablie par AndrĂ© Belamich. Septembre-octobre 1935. 2 Chronologie Desnos Oeuvres. Édition Ă©tablie par Marie-Claire Dumas. Quarto Gallimard. 1999. En septembre 1932, Robert Desnos fait un premier sĂ©jour avec sa compagne, Youki Lucie Badoud 1903-1966, en y sĂ©journe Ă  nouveau du 20 octobre au 15 novembre 1935, toujours avec GarcĂ­a Lorca collabore Ă  la revue Cheval vert pour la PoĂ©sie, fondĂ©e en octobre 1935 par Pablo Neruda, et se lie d’une vive amitiĂ© avec Robert Desnos par l’intermĂ©diaire du poĂšte chilien. Cette rencontre n’a Ă©tĂ© mentionnĂ©e jusqu’à prĂ©sent que par Alejo 21 janvier 1937, Ă  la Maison de la Culture Salle PoissonniĂšre, 8 rue du Faubourg PoissonniĂšre, Paris, Pablo Neruda et CĂ©sar Vallejo rendent hommage Ă  Federico GarcĂ­a Lorca, assassinĂ© le 18 aoĂ»t 1936 par les Franquistes. Jean Cassou et Robert Desnos prennent aussi la paroleRobert Desnos prĂ©sente le 18 juillet 1937 le gala qui clĂŽt le DeuxiĂšme CongrĂšs international des Ă©crivains pour la dĂ©fense de la culture qui s’est tenu successivement Ă  Valence, Barcelone, Madrid et 7 novembre 1937 reprenant le cri de lutte des rĂ©publicains espagnols No pasarĂĄn ! Pasaremos nosotros », Desnos Ă©crit un chant en l’honneur des RĂ©publicains ainsi qu’une cantate pour la mort de GarcĂ­a Lorca. Savez-vous la nouvelle ? GarcĂ­a Lorca va mourir ». No pasarĂĄn Robert Desnos Nuits, Jours et nuits sombres !Feu, Sang et dĂ©combres !Sang clair des libres Espagnols !Oui pour l’Espagne et la libertĂ©Un sang pur coule sur notre solPour l’humanitĂ©No ! No pasarĂĄn ! Feu, rougis la forgeCeux qui nous Ă©gorgentPar ce fer nous crĂšv’rons leur cƓurCeux qui ont mis le feu aux maisonsCeux qui ont tuĂ© nos frĂšres, nos sƓursJamais ne nous vaincrontNo ! No pasarĂĄn ! Qui traĂźne des chaĂźnes ?Qui sĂšme la haine ?Le fascisme et tous ses banquiersIls ont de l’or, ils ont des canonsMais nous luttons pour le monde entierNous les briseronsNo ! No pasarĂĄn ! Il nous faut des armesC’est un cri d’alarmeIl faut des ball’s et des fusilsAux lueurs du feu, aux sons du tocsinNous combattons avec nos outilsTous ces assassins !No ! No pasarĂĄn ! Par toute la terreViennent des volontairesPour lutter Ă  cĂŽtĂ© de nous !Gloire aux amis qui nous ont rejointsAu sanglant et glorieux rendez-vousIls tendent le poingNo ! No pasarĂĄn ! Morts des barricadesMorts nos camaradesLe jour vient, vous serez vengĂ©sLe jour se lĂšve au feu des combatsDans la mort des soudards insurgĂ©sNous sonnons leur glasNo ! No pasarĂĄn ! Que le jour se lĂšveSur ce mauvais rĂȘvePour les hommes de l’universPour les travaux de paix et d’amourNous peinerons Ă©tĂ© comme hiverAh ! Vienne ce jourSi pasaremos ! Les Voix intĂ©rieures, Éditions du petit VĂ©hicule. Nantes, 1987. Savez-vous la nouvelle ?GarcĂ­a Lorca va mourir Robert Desnos FEMME Savez-vous la nouvelle ? CHOEUR DE FEMMES AprĂšs le soir vient la nuitL’eau chante Ă  la fontaineLa lune se baigne au puits. FEMME Savez-vous la nouvelle ? CHOEUR DE FEMMES L’amour la nuit l’air le ventJours, nuits et c’est la vieLa danse au tambour au mois d’aoĂ»t. FEMME Savez-vous la nouvelle ? CHOEUR DE FEMMES Le linge est blanc sous nos doigtsViens donc avec les fillesAimer et chanter et danser. FEMME Savez-vous la nouvelle ? CHOEUR DE FEMMES L’étĂ© l’hiver l’eau le vinViens, viens voici la danseLes fruits et l’amour dans les bois. FEMME Savez-vous la nouvelle ?GarcĂ­a Lorca va mourir CHOEUR DE FEMMES Ah Ah Ah Ah Ah Ah Ah L’annonce aux hommes CHOEUR Les champs sont gorgĂ©s de soleilLes fleuves sont secsLa terre les a busLes moissons dorment dans les greniersQu’il fera bon rĂȘver tout l’étĂ©En buvant le vin des outres SOLO Alerte !La rouge moisson des libertĂ©s s’apprĂȘteAlerte !Demain, cette nuit, aujourd’huiAlerte !GarcĂ­a Lorca est dĂ©jĂ  mort. CHOEUR L’usine ce soir au soleilEst comme un chĂąteauDormir loin du travailSous le ciel car nous sommes trĂšs lasQu’il fera bon rĂȘver tout l’étĂ©en buvant le vin des outres. SOLO Alerte !La rouge moisson des libertĂ©s s’apprĂȘteAlerte !Demain, cette nuit, aujourd’huiAlerte !GarcĂ­a Lorca est dĂ©jĂ  mort. CHOEUR La mer elle chante et ses flotsSont pleins de refletsD’éclairs des grands poissonsLes courants porteront nos bateauxParmi les vents plus chauds et calmesAu-dessus des fonds propices. CHOEUR Alerte !La rouge moisson des libertĂ©s s’apprĂȘteAlerte !Demain, cette nuit, aujourd’huiAlerte !GarcĂ­a Lorca est dĂ©jĂ  mort. CHOEUR Qui est-ce GarcĂ­a Lorca ?Nous ne le connaissons pasQui est-ce GarcĂ­a Lorca ? SOLO C’est vous-mĂȘmes. Les Voix intĂ©rieures, Éditions du petit VĂ©hicule. Nantes, 1987. Grenade. Monument en l’honneur de Federico GarcĂ­a Lorca Juan Antonio Corredor. 2010. Avenida de la ConstituciĂłn. Portrait de Robert Desnos Ernest Pignon-Ernest, 2008. Biographie de Robert Desnos dans le Maitron. Notice DESNOS Robert, Pierre [Pseudonymes dans la clandestinitĂ© VALENTIN ; Valentin GUILLOIS ; CANCALE ; Lucien GALLOIS ; Pierre ANDIER] par Renaud Poulain-Argiolas, version mise en ligne le 3 dĂ©cembre 2020, derniĂšre modification le 6 dĂ©cembre 2020. 
 Tu diras au revoir pour moi Ă  la petite fille du pont Ă  la petite fille qui chante de si jolies chansons Ă  mon ami de toujours que j’ai nĂ©gligĂ© Ă  ma premiĂšre maĂźtresse Ă  ceux qui connurent celle que tu sais Ă  mes vrais amis et tu les reconnaĂźtras aisĂ©ment Ă  mon Ă©pĂ©e de verre Ă  ma sirĂšne de cire Ă  mes monstres Ă  mon lit Quant Ă  toi que j’aime plus que tout au monde Je ne te dis pas encore au revoir Je te reverrai. Mais j’ai peur de n’avoir plus longtemps Ă  te voir. 
 Siramour. Paru dans la revue Commerce, Ă©tĂ© 1931. Fortunes, Éditions Gallimard. 1942. L’Épitaphe J’ai vĂ©cu dans ces temps et depuis mille annĂ©es Je suis mort. Je vivais, non dĂ©chu mais traquĂ©. Toute noblesse humaine Ă©tant emprisonnĂ©e J’étais libre parmi les esclaves masquĂ©s. J’ai vĂ©cu dans ces temps et pourtant j’étais libre. Je regardais le fleuve et la terre et le ciel. Tourner autour de moi, garder leur Ă©quilibre Et les saisons fournir leurs oiseaux et leur miel. Vous qui vivez qu’avez-vous fait de ces fortunes ? Regrettez-vous les temps oĂč je me dĂ©battais ? Avez-vous cultivĂ© pour des moissons communes ? Avez-vous enrichi la ville oĂč j’habitais ? Vivants, ne craignez rien de moi, car je suis mort. Rien ne survit de mon esprit ni de mon corps. ContrĂ©e. 1944. 1987. Fin du confinement lĂ©ger. Je peux aller dans le Quartier Latin aprĂšs une visite mĂ©dicale Ă  Paris. Á la librairie Compagnie, j’achĂšte L’Étoile de Mer. Jean Carrive, AndrĂ© Breton, Robert Desnos, Pierre Picon et Simone Kahn. 1923. Une correspondance surrĂ©aliste. J’avais dans ma bibliothĂšque ThĂ©odore Fraenkel. L’ami de Robert Desnos. Lettres et documents inĂ©dits 1917-1952. Premier mai je lis ou relis les deux petits recueils. L’Étoile de Mer AprĂšs avoir publiĂ© un bulletin ronĂ©otĂ©, le Bonjour de Robert Desnos, l’Association des Amis de Robert Desnos publie chaque annĂ©e depuis 1996 un cahier Robert Desnos, L’Étoile de Mer, dirigĂ© par Thomas Simonnet. Ces cahiers, offerts et destinĂ©s aux membres de l’association, peuvent Ă©galement ĂȘtre commandĂ©s au siĂšge au prix de 10 euros le numĂ©ro. Attention, certains numĂ©ros sont Ă©puisĂ©s. NumĂ©ro 1 Robert Desnos et Paris 1996. NumĂ©ro 2 Robert Desnos et les enfants 1997. NumĂ©ro 3 Robert Desnos et la scĂšne 1998. NumĂ©ro 4 Youki et Robert Desnos 1999. NumĂ©ro 5 Robert Desnos, journaliste Ă  Aujourd’hui 2000. NumĂ©ro 6 Robert Desnos et les Étoiles 2001. NumĂ©ro 7 Desnos / Hugo 2002. NumĂ©ro 8 Desnos / Breton, archives de la rue Fontaine, nouvelles acquisitions de la BibliothĂšque LittĂ©raire Jacques Doucet 2004. NumĂ©ro 9 Desnos et Barral, autour du film La belle saison est proche 2005. NumĂ©ro 10 ThĂ©odore Fraenkel, l’ami de Robert Desnos. Lettres et documents inĂ©dits, 1917-1952 2006. En 2008, L’Étoile de Mer a ouvert une nouvelle sĂ©rie NumĂ©ro 1 Desnos et les Milhaud 2008. NumĂ©ro 2 La LibertĂ© ou l’amour ! et ses traductions 2010. NumĂ©ro 3 Robert Desnos / Annie Le Brun De l’érotisme » 2011. NumĂ©ro 4 Robert Desnos et ses fantĂŽmes 2012. NumĂ©ro 5 Robert Desnos, Images 2014. NumĂ©ro 6 Robert Desnos et la guerre 2015. ​ En 2016-2017, exceptionnellement, la revue L’Etoile de Mer cĂšde le pas Ă  une trĂšs belle parution aux Ă©ditions des Cendres, Pour Denise. L’ouvrage rassemble deux poĂšmes de Robert Desnos, adressĂ©s Ă  ” Denise aux yeux clairs dont les regards m’émeuvent”. DerriĂšre ces deux poĂšmes se cache une femme hors du commun et pourtant bien peu connue Denise Naville, traductrice de Hölderlin, Clausewitz et Celan, entre autres
 Une personnalitĂ© hors normes Ă  redĂ©couvrir au fil des mots du poĂšte, dans un ouvrage prĂ©cieux. Éditions des Cendres 8 rue des Cendriers 75020 PARIS tĂ©l 01 43 49 31 80 editionsdescendres 7 Robert Desnos, PoĂ©tique et mathĂ©matiques 2018. NumĂ©ro 8 Robert Desnos et A Ă  ZĂšbre 2019.NumĂ©ro 9 Jean Carrive, AndrĂ© Breton, Robert Desnos, Pierre Picon et Simon Kahn, 1923, Une correspondance surrĂ©aliste. Robert Desnos et le journaliste JesĂșs Ortega Ă  la terrasse des Deux Magots. 1929. Robert Desnos a fait de ThĂ©odore Fraenkel dĂšs 1932 son exĂ©cuteur testamentaire. En 1945, celui-ci va s’employer selon les volontĂ©s de son ami Ă  aider Youki Lucienne Badoud 1903-1966 autant qu’il le peut. Carrive 1905-1963 fut un surrĂ©aliste jeune et discret. ÉlĂšve au lycĂ©e Montaigne de Bordeaux, il prĂ©pare le baccalaurĂ©at et le concours gĂ©nĂ©ral en pleine rĂ©volte adolescente. il s’intĂ©resse Ă  la revue LittĂ©rature dĂšs 1922 et entreprend une correspondance avec AndrĂ© Breton et Robert Desnos dĂšs fĂ©vrier 1923. En aoĂ»t 1923, il Ă©chappe Ă  la surveillance de sa famille protestante son pĂšre est professeur d’histoire au lycĂ©e de Bordeaux et disciple de PĂ©guy et fait un court voyage Ă  Paris oĂč il voit les deux poĂštes surrĂ©alistes. Cette rencontre tourne court, mais Breton lui Ă©crit le 10 septembre 1930 “Nous avons le temps de nous reconnaĂźtre.” En 1924, il figure dans le Manifeste du surrĂ©alisme parmi les dix-neuf adeptes qui “ont fait acte de SURRÉALISME ABSOLU”. Sa signature figure au bas de plusieurs dĂ©clarations du groupe. Il n’a jamais Ă©tĂ© publiĂ© dans LittĂ©rature ou la RĂ©volution surrĂ©aliste. AndrĂ© Breton l’exclut en 1929. Jean Carrive est dĂšs le lycĂ©e ami avec Pierre Picon nĂ© le 31 dĂ©cembre 1906, frĂšre de GaĂ«tan Picon 1915-1976. Il lui fait partager sa passion de la littĂ©rature. Ils envoient des poĂšmes surrĂ©alistes Ă  Robert Desnos, mais ils ne sont pas publiĂ©s DestinĂ©e des algues et Pont des virgules. Pierre Picon sera reçu premier Ă  l’agrĂ©gation de philosophie en 1930 et enseignera au LycĂ©e Charles et Adrien Dupuy du Puy-en-Velay. Jean Carrive part poursuivre ses Ă©tudes en Allemagne. Il se passionne pour Rainer Maria Rilke, aprĂšs avoir Ă©pousĂ© Charlotte Behrendt Ă  Breslau en 1934. Il mĂšne ses travaux de traduction Rilke, Kafka, les thĂ©ologiens germanophones avec cette jeune femme, fille d’architecte allemande d’origine juive. ils ont amis avec Pierre Klossowski et son frĂšre Balthus, Monny de Boully et Pierre Leiris. AprĂšs la guerre, Charlotte devient professeur de langue et littĂ©rature allemandes Ă  l’UniversitĂ© de Bordeaux. Pierre Klossowski prononce l’oraison funĂšbre de Jean Carrive le 21 janvier 1963. PoĂšme de Jean Carrive, copiĂ© de la main de Robert Desnos et conservĂ© dans les archives d’AndrĂ© Breton. DestinĂ© Ă  LittĂ©rature, n°11-12, il n’a pas Ă©tĂ© retenu. ​ Robert Desnos. Aujourd’hui je me suis promené  Aujourd’hui je me suis promenĂ© avec mon camarade, MĂȘme s’il est mort, Je me suis promenĂ© avec mon camarade. Qu’ils Ă©taient beaux les arbres en fleurs, Les marronniers qui neigeaient le jour de sa mort. Avec mon camarade je me suis promenĂ©. Jadis mes parents Allaient seuls aux enterrements Et je me sentais petit enfant. Maintenant je connais pas mal de morts, J’ai vu beaucoup de croque-morts Mais je n’approche pas de leur bord. C’est pourquoi tout aujourd’hui Je me suis promenĂ© avec mon ami. Il m’a trouvĂ© un peu vieilli, Un peu vieilli, mais il m’a dit Toi aussi tu viendras oĂč je suis, Un Dimanche ou un Samedi, Moi, je regardais les arbres en fleurs, La riviĂšre passer sous le pont Et soudain j’ai vu que j’étais seul. Alors je suis rentrĂ© parmi les hommes. État de veille, 1936. Robert Desnos, arrĂȘtĂ© par la Gestapo le 22 fĂ©vrier 1944 au 19 rue Mazarine. Paris VI. Robert Desnos La Sonate au clair de lune H. Bordeaux Les murs sont bons H. Bordeaux Les Beaux draps CĂ©line Oeuvres Courier “Le courrier qui, souvent, fait bien les choses, m’apporte en mĂȘme temps deux volumes d’Henry Bordeaux et un livre de M. CĂ©line. Ainsi j’ai le choix entre la restriction et l’indigestion. C’est qu’en effet ces deux auteurs ont plus d’un point commun. Leur clientĂšle est, Ă  peu prĂšs, la mĂȘme et l’excĂšs de l’un correspond aux dĂ©ficiences de l’autre. Je trouve chez tous deux le besoin d’écrire pour ne pas dire grand’chose. Mais que penser de la vertu sans passion que nous propose M. Bordeaux et de la passion sans vertu que nous recommande M. CĂ©line ? En vĂ©ritĂ©, si le premier a le souffle court, le second n’a pas de souffle du tout il est boursouflĂ© et voilĂ  tout. Ses colĂšres sentent le bistro et en cela il est, comme beaucoup d’hommes de lettres, intoxiquĂ© par la moleskine et le zinc. Tout ici est puĂ©ril chez l’acadĂ©micien comme chez son confrĂšre et ce sera un utile sujet de mĂ©ditation pour nos descendants que la coexistence de ces deux Ă©crivains identiques, d’expression diffĂ©rente. Je n’ai jamais, pour ma part, pu lire jusqu’au bout un seul de leurs livres. L’ennui, l’ennui total me force Ă  dormir dĂšs les premiĂšres pages. Et tous les deux reprĂ©sentent les Ă©lĂ©ments principaux de notre dĂ©faite par l’injustice mĂȘme de leurs succĂšs. Ah! qu’un Ă©crivain comme Bernanos donne des leçons Ă  l’un de foi religieuse et Ă  l’autre de fĂ©rocitĂ©! Mais Bernanos est un monsieur» et il n’est pas nĂ©cessaire d’ĂȘtre d’accord avec lui pour l’aimer et l’admirer. Tandis que les colĂšres de CĂ©line Ă©voquent les fureurs grotesques des ivrognes, tandis que la morale de M. Bordeaux ferait exalter le vice en tant qu’école de vertu. Brave homme l’un, brave gars l’autre? Je veux bien
 Mais Ă  quoi bon
 Ă  quoi bon les lire? Je vois bien pour qui ils Ă©crivent. Je ne vois pas pourquoi. Mais le mĂȘme courrier m’apportait en mĂȘme temps l’admirable Ă©dition par M. Maurice Allem des Oeuvres complĂštes de Paul-Louis Courier. Cette collection de la PlĂ©iade est un chef-d’oeuvre. Je vais faire des Ă©conomies pour me la procurer. Lisible, pratique, savante sans pĂ©danterie, c’est un des motifs d’orgueil les plus lĂ©gitimes de l’édition française. Mais aussi quel rĂ©confort que de lire Courier que j’ai omis de citer la semaine derniĂšre dans une liste hĂątive d’écrivains militaires dont il est prĂ©cisĂ©ment l’exemple le plus typique! La phrase est directe, simple, savante, fleurie sans ĂȘtre ornĂ©e. Elle va droit au but comme une flĂšche. Elle fait appel Ă  toutes les ressources de la langue. Comme je comprends que Stendhal ait aimĂ© ces opuscules oĂč quatre ou cinq pages en disent plus que les pesants volumes de M. CĂ©line, dĂ©plorable disciple d’HonorĂ© d’UrfĂ©, de M. CĂ©line qui Ă©crit gras exactement comme on Ă©crivait prĂ©cieux au XVIIĂš siĂšcle. Je voudrais que tous les Français lisent Courier. C’est une Ă©cole de civisme et, pour employer un mot cher Ă  Corneille, d’esprit rĂ©publicain. Je retrouve en lui le goĂ»t de la justice et du droit qui caractĂ©rise les Français. C’est ce goĂ»t qui fait notre valeur et justifie l’existence de notre nation. Oui, nous aimons les procĂšs mais, en consĂ©quence, nous aimons les lois, les lois justes et nous sommes tous plus ou moins experts en lois. Au surplus, Paul-Louis Courier apprend moins Ă  penser qu’à s’exprimer. Et cela est bien, car nous avons suffisamment de sources de pensĂ©e en France. On a dit qu’il devait ce style vif et dĂ©liĂ© Ă  l’emploi des vers blancs, aux citations – elles sont nombreuses – dont son oeuvre est semĂ©e. Cette caractĂ©ristique, nous la retrouvons dans un style bien diffĂ©rent et bien admirable aussi celui de Michelet. Mais les vers blancs de Courier semblent empruntĂ©s Ă  une tragĂ©die classique et ceux de Michelet Ă  un drame romantique. ArrĂȘtons-nous ici, cela nous entraĂźnerait trop loin
 Mais lisez Paul-Louis Courier, je vous promets de belles surprises.” Robert DESNOS, Aujourd’hui Interlignes, 3 mars 1941 Sommation L’an mille neuf cent quarante et un, le 4 mars, Ă  la requĂȘte de M. Louis Destouches, dit Louis-Ferdinand CĂ©line, demeurant Ă  Paris, 11, rue Marsollier 2 Ăšme etc. J’ai, Lucien PorĂ©, huissier prĂšs du Tribunal civil de la Seine, etc.
 Que, dans le numĂ©ro dudit journal Aujourd’hui, en date du lundi 3 mars 1941, etc. a paru un article Interlignes», etc. Pourquoi j’ai, huissier susdit et soussignĂ©, fait sommation
d’avoir Ă  insĂ©rer
la rĂ©ponse ci-dessous transcrite “Monsieur le RĂ©dacteur en chef, Votre collaborateur Robert Desnos est venu dans votre numĂ©ro 3 du 3 mars 1941 dĂ©poser sa petite ordure rituelle sur les Beaux draps». Ordure bien malhabile si je la compare Ă  tant d’autres que mes livres ont dĂ©jĂ  provoquĂ©es – un de mes amis dĂ©tient toute une bibliothĂšque de ces gentillesses. Je ne m’en porte pas plus mal, au contraire, de mieux en mieux. M. Desnos me trouve ivrogne, vautrĂ© sur moleskine et sous comptoirs», ennuyeux Ă  bramer moins que ceci
 pire que cela
Soit! Moi je veux bien, mais pourquoi M. Desnos ne hurle-t-il pas plutĂŽt le cri de son cƓur, celui dont il crĂšve inhibé Mort Ă  CĂ©line et vivent les Juifs!» M. Desnos mĂšne, il me semble, campagne philoyoutre et votre journal inlassablement depuis juin. Le moment doit ĂȘtre venu de brandir enfin l’oriflamme. Tout est propice. Que s’engage-t-il, s’empĂȘtre-t-il dans ce laborieux charabia?
 Mieux encore, que ne publie-t-il, M. Desnos, sa photo grandeur nature face et profil, Ă  la fin de tous ses articles? La nature signe toutes ses Ɠuvres – Desnos», cela ne veut rien dire. Va-t-on demander au serpent ce qu’il pense de la mangouste? Ses sentiments sont bien connus, naturels, irrĂ©mĂ©diables, ceux de M. Desnos aussi. Le tout est un peu de franchise. Voici tout ce qu’il m’importait de faire savoir Ă  vos lecteurs, rĂ©ponse que je vous prie d’insĂ©rer, en mĂȘme lieu et place, dans votre prochain numĂ©ro. Veuillez agrĂ©er, je vous prie, monsieur le RĂ©dacteur en chef, l’assurance de mes parfaits sentiments.” CĂ©line Lui dĂ©clarant, etc. Dont acte sous toutes rĂ©serves, etc. Le tout conformĂ©ment Ă  la loi. CoĂ»t soixante dix-huit francs quarante centimes. Nous avons communiquĂ© la sommation ci-dessus Ă  notre collaborateur Robert Desnos, dont nous publions les quelques lignes suivantes “La rĂ©ponse de M. Louis Destouches, dit Louis-Ferdinand CĂ©line», est trop claire pour qu’il soit nĂ©cessaire de commenter chaque phrase. Au surplus, les lecteurs n’auront qu’à se rĂ©fĂ©rer Ă  mon article de lundi dernier. Je crois utile cependant de souligner la thĂ©orie originale suivant laquelle un critique littĂ©raire» n’a qu’une alternative ou crier Mort Ă  CĂ©line!» ou crier Mort aux Juifs!». C’est lĂ  une formule curieuse et peu mathĂ©matique dont je tiens Ă  laisser la responsabilitĂ© Ă  M. Louis Destouches, dit Louis-Ferdinand CĂ©line». Robert Desnos dit Robert Desnos» CĂ©line Robert Desnos Ă  Terezin entre le 8 mai et le 4 juin 1945. Robert Desnos fait “la drĂŽle de guerre” comme sergent en Lorraine. Il stigmatise les bobards de ceux qui, pour Ă©viter la fascisation de la France, laisseraient volontiers Hitler triompher. On se demande s’ils sont fous» Lettre du 11 janvier 1940. Il est lucide en juin 1940 et affirme dĂ©jĂ  ce que sera son attitude pendant l’Occupation ” Il faut prendre les Ă©vĂ©nements sĂ©rieusement mais pas dĂ©sespĂ©rĂ©ment 
. Les Allemands instituent une nouvelle rĂšgle du jeu et la jouent rigidement. Maintenant, nous allons tricher.” Lettre Ă  Youki du 7 juin 1940 Prisonnier, il pense Ă  l’avenir et relativise la dĂ©faite “Il faut mettre les choses au pire. C’est-Ă -dire victoire d’Hitler et garder de cĂŽtĂ© nos espoirs, sĂ»r puissance de l’Angleterre; possible attitude des USA; douteux intervention des URSS. 
 L’histoire d’un pays vivant est faite de cela [les dĂ©faites] et quant aux pertes de territoires elles sont la rançon de l’activitĂ© et de la vie 
. Non ce qui importe c’est le degrĂ© de vassalitĂ© auquel nous serons rĂ©duits et partant de combien nos libertĂ©s seront hypothĂ©quĂ©es et notre vie sociale diminuĂ©e. En ce sens il nous faudra du courage mais je suis dĂšs maintenant sĂ»r d’en sortir en deux ou trois ans.” Lettre du 3 juillet 1940 Il est dĂ©mobilisĂ© le 22 aoĂ»t. Il rentre Ă  Paris et dĂ©bute comme chef des informations au quotidien Aujourd’hui, commanditĂ© par Roger Capgras. Ses rĂ©dacteurs en chef sont Henri Jeanson et Robert Perrier. L’espoir d’y maintenir une certaine libertĂ© de parole est de courte durĂ©e. En effet, Henri Jeanson est arrĂȘtĂ© en novembre, ayant refusĂ© de publier des articles favorables Ă  la loi sur le “statut des Juifs”, adoptĂ©e le 3 octobre par Vichy, ainsi qu’à l’entrevue de Montoire du 24 octobre. A partir du 3 dĂ©cembre, le journal est contrĂŽlĂ© par les Allemands. Georges Suarez, qui sera fusillĂ© le 9 novembre 1944 pour faits de collaboration, devient son directeur politique. En accord avec Jeanson, Desnos reste au journal comme “courriĂ©riste littĂ©raire”. Il dispose d’un salaire fixe, d’un Ausweis professionnel qui lui permet de circuler la nuit et capte des informations recueillies au journal avant censure. DĂ©sormais, il peut “tricher”. Dans les articles qu’il publie, il n’abdique pas ses idĂ©es “Si je n’écris pas tout ce que je pense, je pense tout ce que j’écris”, Ă©crit-il Ă  François Mauriac le 3 janvier 1941. DĂšs le 14 septembre 1940, il a fustigĂ© l’esprit de dĂ©lation qui rĂšgne dans Paris par un article intitulĂ© “J’irai le dire Ă  la Kommandantur”. Dans sa chronique du 3 mars 1941, il n’épargne pas Les Beaux draps de CĂ©line qui le 7 mars suivant fait insĂ©rer par sommation d’huissier une protestation dans laquelle Desnos est accusĂ© de mener une “campagne philoyoutre” et d’ĂȘtre juif lui-mĂȘme “Que ne publie-t-il, M. Desnos, sa photo grandeur nature, face et profil, Ă  la fin de tous ses articles?”. Le 16 septembre 1942, Desnos critique sans amĂ©nitĂ© la traduction des PoĂšmes d’Edgar Poe par Pierre Pascal, rĂ©dacteur du journal pronazi L’ Appel. Ce dernier envoie une lettre vengeresse Ă  Suarez et Ă  Desnos. Il traite le poĂšte d’antifasciste, enjuivĂ©, perdu de tout». En avril 1942, Robert Desnos gifle Alain Laubreaux, journaliste fasciste et antisĂ©mite Ă  Je suis partout, qui jouera un rĂŽle dĂ©terminant en 1944 dans sa dĂ©portation. En 1943, il ne publie que des critiques de disques, mais restera dans le journal jusqu’à son arrestation. AprĂšs la rafle du Vel d’hiv», en juillet 1942, il s’engage dans le rĂ©seau de renseignement “Agir“, créé par Michel Hollard. Du 25 juillet 1942 au 22 fĂ©vrier 1944, il transmet des informations recueillies au journal, fabrique de fausses piĂšces d’identitĂ© pour les membres du rĂ©seau et des Juifs en difficultĂ© et cache chez lui des rĂ©fractaires au STO ou des rĂ©sistants. A l’automne 1943, le rĂ©seau est menacĂ© par l’infiltration d’agents doubles. Par l’intermĂ©diaire de Jacques PrĂ©vert, Desnos rencontre AndrĂ© Verdet, membre du rĂ©seau Combat, venu de la zone Sud pour constituer un groupe d’action immĂ©diate. Il accepte d’apporter son concours Ă  ce groupe, tout en continuant Ă  appartenir Ă  Agir. En fĂ©vrier 1944, les deux rĂ©seaux sont dĂ©mantelĂ©s. Le 22 fĂ©vrier, un coup de tĂ©lĂ©phone l’avertit de l’arrivĂ©e imminente de la Gestapo chez lui, mais Desnos refuse de fuir de crainte qu’on emmĂšne Youki, sa compagne, qui se droguait Ă  l’éther. InterrogĂ© rue des Saussaies, il est envoyĂ© Ă  la prison de Fresnes. Il y reste du 22 fĂ©vrier au 20 mars. Il est ensuite transfĂ©rĂ© au camp de CompiĂšgne. Le 27 avril, le poĂšte fait partie d’un convoi de mille sept cents hommes, le fameux convoi dit Pucheu», direction Auschwitz oĂč il arrive le 30 avril au soir. Il est ensuite emmenĂ© Ă  Buchenwald. Il y est le 14 mai et repart deux jours plus tard pour FlossenbĂŒrg. Le convoi qui ne compte plus qu’un millier d’hommes y arrive le 25 mai. Les 2 et 3 juin, un groupe de quatre-vingt-cinq hommes, dont Desnos, est acheminĂ© vers le camp de Flöha, en Saxe. Les prisonniers fabriquent des carlingues de Messerschmitt 109. Le 14 avril 1945, le camp est Ă©vacuĂ©. Beaucoup de prisonniers meurent Ă©puisĂ©s par les marches forcĂ©es ou sont abattus par les gardiens. Le 7-8 mai, les rescapĂ©s -dont Desnos- arrivent au camp de concentration de TerezĂ­n Theresienstadt en TchĂ©coslovaquie. LĂ , les survivants sont abandonnĂ©s dans des cellules de fortune ou expĂ©diĂ©s au Revier, l’infirmerie. Les poux pullulent, le typhus fait rage. Les SS prennent la fuite. L’ ArmĂ©e rouge et les partisans tchĂšques pĂ©nĂštrent dans le camp. Plusieurs semaines aprĂšs la libĂ©ration, un Ă©tudiant tchĂšque, Joseph Stuna consulte la liste des malades et lit”Robert Desnos, nĂ© en 1900, nationalitĂ© française”. Il sait qui est Desnos, car il connaĂźt les surrĂ©alistes, a lu AndrĂ© Breton et Paul Éluard. Avec l’aide de l’infirmiĂšre AlĂ©na Tesarova, qui parle bien le français, il retrouve le poĂšte et le veille. Desnos aurait appelĂ© ce moment son matin le plus matinal». Le 8 juin 1945, Ă  5 h 30 du matin, Robert Desnos meurt du typhus. Il avait 44 ans. Son corps sera incinĂ©rĂ©. Ses cendres seront remises Ă  la France et dĂ©posĂ©es dans le caveau familial au cimetiĂšre Montparnasse. Source Desnos, Oeuvres, Gallimard, Quarto 1999. Edition prĂ©sentĂ©e et commentĂ©e par Marie-Claire Dumas. Robert Desnos Avec le coeur du chĂȘne Avec le bois tendre et dur de ces arbres, avec le cƓur du chĂȘne et l’écorce du bouleau combien ferait-on de ciels, combien d’ocĂ©ans, combien de pantoufles pour les jolis pieds d’Isabelle la vague? Avec le cƓur du chĂȘne et l’écorce du bouleau. Avec le ciel combien ferait-on de regards, combien d’ombres derriĂšre le mur, combien de chemises pour le corps d’Isabelle la vague? Avec le cƓur du chĂȘne et l’écorce du bouleau, avec le ciel. Avec les ocĂ©ans combien ferait-on de flammes, combien de reflets au bord des palais, combien d’arcs-en-ciel au-dessus de la tĂȘte d’Isabelle la vague? Avec le cƓur du chĂȘne et l’écorce du bouleau, avec le ciel, avec les ocĂ©ans. Avec les pantoufles combien ferait-on d’étoiles, de chemins dans la nuit, de marques dans la cendre, combien monterait-on d’escaliers pour rencontrer Isabelle la vague? Avec le cƓur du chĂȘne et l’écorce du bouleau, avec le ciel, avec les ocĂ©ans, avec les pantoufles. Mais Isabelle la vague, vous m’entendez, n’est qu’une image du rĂȘve Ă  travers les feuilles vernies de l’arbre de la mort et de l’amour. Avec le cƓur du chĂȘne et l’écorce du bouleau. Qu’elle vienne jusqu’à moi dire en vain la destinĂ©e que je retiens dans mon poing fermĂ© et qui ne s’envole pas quand j’ouvre la main et qui s’inscrit en lignes Ă©tranges. Avec le cƓur du chĂȘne et l’écorce du bouleau, avec le ciel. Elle pourra mirer son visage et ses cheveux au fond de mon Ăąme et baiser ma bouche. Avec le cƓur du chĂȘne et l’écorce du bouleau, avec le ciel, avec les ocĂ©ans. Elle pourra se dĂ©nuder, je marcherai Ă  ses cĂŽtĂ©s Ă  travers le monde, dans la nuit, pour l’épouvante des veilleurs. Elle pourra me tuer, me piĂ©tiner ou mourir Ă  mes pieds. Car j’en aime une autre plus touchante qu’Isabelle la vague. Avec le cƓur du chĂȘne et l’écorce du bouleau, avec le ciel, avec les ocĂ©ans, avec les pantoufles. Les tĂ©nĂšbres 1927, paru dans Corps et Biens , PoĂ©sie /Gallimard.

ce coeur qui haissait la guerre desnos